L’intelligence artificielle dans le recrutement : quelles sont les conséquences ?

L’intelligence artificielle s’impose dans le recrutement avec une rapidité fulgurante. 57% des DRH prévoient d’intégrer l’IA dans leurs processus de recrutement, tandis que 39% l’utilisent déjà*. Cette adoption massive transforme le secteur des deux côtés : les recruteurs automatisent le tri des CV et la rédaction des offres, les candidats utilisent ChatGPT pour optimiser leurs candidatures.

Cette transformation soulève une question centrale : l’IA permet-elle vraiment un meilleur recrutement ? Si la technologie promet rapidité et objectivité, elle apporte aussi son lot de risques : biais algorithmiques, déshumanisation du processus et uniformisation des profils. Entre promesses d’équité et menaces de discrimination, l’IA dans le recrutement mérite qu’on comprenne comment l’utiliser à bon escient.

Pourquoi l'utilisation de l'IA transforme le recrutement ?

Un gain de temps considérable

Le recrutement génère un volume de tâches répétitives qui pèse sur les équipes RH. L’IA permet de réduire de 80% le temps de saisie manuelle de données RH*, libérant ainsi les recruteurs pour se concentrer sur l’essentiel : les échanges avec les candidats. Des outils comme LinkedIn Recruiter ou HireVue automatisent le sourcing, extraient les compétences des CV et suggèrent des questions d’entretien. Résultat : 62% des professionnels du recrutement se déclarent optimistes quant à l’impact de l’IA*, car elle leur permet de gagner en efficacité sans sacrifier la qualité des interactions humaines.

Une promesse d'égalité dans le traitement des candidatures

L’un des arguments les plus forts en faveur de l’IA réside dans sa capacité à réduire certains biais humains. Contrairement à un recruteur qui peut être influencé par le prénom, l’âge ou l’origine d’un candidat, l’IA se concentre, en théorie, sur les compétences et l’expérience, quand elle est correctement paramétrée. 

49% des employés pensent que l’IA pourrait contribuer à résoudre le problème des préjugés et des traitements injustes à l’embauche*. Cette technologie peut détecter des profils à potentiel qui auraient pu passer inaperçus dans un tri manuel : candidats issus de formations moins connues, parcours atypiques ou reconversions professionnelles.

Toutefois, il faut nuancer : l’IA peut aussi créer de nouveaux biais si elle est nourrie de données historiques biaisées. C’est toute la subtilité de son utilisation.

Une adoption massive par les candidats eux-mêmes

Face à ces outils déployés par les recruteurs, les candidats ne sont pas restés passifs. 77% des demandeurs d’emploi utilisent l’IA pour optimiser leurs recherches. Cette adoption traverse toutes les générations : 83% des moins de 25 ans l’intègrent dans leur stratégie, contre 69% des plus de 50 ans**.

Cette démocratisation s’explique par l’efficacité des outils : 40% des demandeurs d’emploi utilisent l’IA pour rédiger des CV plus adaptés et des lettres de motivation personnalisées plus facilement**. Le recrutement devient ainsi un secteur où chacun mobilise la technologie pour gagner en efficacité.

Les limites de l'IA et les risques de dérive

Des biais algorithmiques qui reproduisent les discriminations

L’IA n’est pas neutre. Elle apprend à partir de données historiques, et si ces données contiennent des biais, l’algorithme les reproduit et peut même les amplifier. Le cas d’Amazon en 2018 illustre ce problème : l’entreprise a dû abandonner son outil de recrutement automatisé après avoir découvert qu’il pénalisait les CV contenant le mot « femme » ou mentionnant des universités non-mixtes. L’IA s’était basée sur dix années de recrutements où les candidats masculins étaient majoritaires, et en avait déduit que les hommes étaient préférables. Aujourd’hui, les technologies ont évolué mais la vigilance reste de mise.

Ce cas n’est pas isolé. Une étude du Forum économique mondial révèle que certains outils d’IA réduiraient de 8% les chances des femmes de trouver un emploi. Les biais concernent tous les critères : l’âgisme, la discrimination raciale et les préjugés liés au handicap peuvent tous être reproduits par des algorithmes nourris de données historiques biaisées. Le problème est d’autant plus grave que ces discriminations passent souvent inaperçues, l’IA fonctionnant comme une boîte noire dont les critères restent opaques.

Un manque de transparence qui érode la confiance

Cette opacité mine la confiance des candidats. 75% des employés sont opposés à ce que l’IA prenne des décisions finales en matière d’embauche, et seulement 26% font confiance à l’IA pour les évaluer de façon équitable*. Ces chiffres révèlent une méfiance profonde envers une technologie qui peut éliminer des candidatures sans qu’un humain n’intervienne.

Face à ce constat, les autorités européennes ont réagi. À partir du 2 août 2026, l’AI Act imposera une obligation de transparence : toute personne exposée à un traitement via l’intelligence artificielle devra être informée de l’usage de l’IA, même si un humain reste impliqué dans le processus. Cette réglementation arrive à point nommé, car beaucoup de candidats ignorent aujourd’hui qu’une IA filtre leur candidature.

Une expérience candidat dégradée et un paradoxe qui se crée

Aux États-Unis, des candidats refusent des opportunités d’emploi parce que l’entreprise effectue des entretiens d’embauche réalisés par l’IA. Une professionnelle en recherche d’emploi explique : « Chercher un emploi est déjà démoralisant, se soumettre à cette indignité supplémentaire, c’est un pas de trop ».

Cependant, de nombreux candidats sont eux-mêmes utilisateurs de l’IA, pour optimiser leurs recherches ou leur CV. Cette contradiction expose une asymétrie de pouvoir : les candidats acceptent l’IA comme assistant pour améliorer leurs candidatures, mais la rejettent quand elle devient un outil d’élimination. L’opacité entretenue par les recruteurs alimente le sceptisisme. Les candidats craignent que l’IA ne prenne des décisions sans qu’ils puissent comprendre pourquoi leur candidature a été rejetée. Ils redoutent d’être évalués par des critères qu’ils ne peuvent ni anticiper ni contester. Le problème ne semble donc pas être l’IA en elle-même, mais l’absence d’information sur son fonctionnement et la confiance trop grande qu’on pourrait lui accorder.

Le risque d'uniformisation des profils

Quand l’IA devient un filtre strict, elle favorise les parcours linéaires et conventionnels. Les reconversions professionnelles, les parcours atypiques, les trous dans le CV, les expériences internationales… 

Tous ces profils risquent d’être écartés par des algorithmes programmés pour identifier des schémas familiers. Or, ces profils sont souvent porteurs d’innovation pour les entreprises. Selon l’organisme RAND, les entreprises américaines perdraient entre 100 et 300 milliards de dollars de productivité chaque année en négligeant des candidats qualifiés et issus de la diversité.

Le gain de temps promis par l’IA ne doit pas se faire au détriment des candidats qui sortent du moule.

Comment utiliser l'IA de façon responsable dans le recrutement ?

Pour les recruteurs : faire de l'IA un assistant, pas un décideur

L’IA doit être considérée comme un outil d’aide à la décision, jamais comme un substitut au jugement humain. Son rôle est de faciliter le travail des recruteurs en automatisant les tâches répétitives et chronophages, pour leur permettre de consacrer plus de temps aux échanges avec les candidats.

  • Définir un workflow clair où l’humain garde le contrôle

Dans un processus de recrutement optimal, l’IA intervient en amont pour présélectionner les candidatures sur la base de critères techniques objectifs : compétences requises, expérience dans le domaine, formations pertinentes. Une fois ce premier tri effectué, le recruteur reprend la main pour analyser les profils retenus avec un regard humain.

Cette approche permet de bénéficier de la rapidité de traitement de l’IA tout en gardant la capacité à repérer des profils atypiques, à valoriser des parcours non linéaires et à déceler le potentiel au-delà des mots-clés. L’objectif : que l’IA libère du temps pour des entretiens plus approfondis et des échanges de qualité avec les candidats.

  • Vérifier les données et auditer les algorithmes

Les recruteurs ne peuvent pas se contenter d’activer un outil d’IA et de lui faire confiance. Ils doivent comprendre sur quelles données l’algorithme a été entraîné et quels critères il utilise pour trier les candidatures. Cette vigilance passe par plusieurs actions concrètes :

  • Tester l’outil sur des profils diversifiés avant de le déployer pour vérifier qu’il ne crée pas d’exclusions injustifiées,
  • Analyser les profils éliminés pour s’assurer qu’aucun biais n’opère (par exemple, tous les plus de 45 ans sont-ils écartés ? Les femmes sont-elles sous-représentées dans les présélections ?),
  • Mettre en place des audits réguliers pour contrôler que l’algorithme ne développe pas de nouveaux biais au fil de son utilisation.

Cette démarche de contrôle est d’autant plus importante que l’IA apprend en continu. Un outil qui fonctionne bien aujourd’hui peut développer des biais demain s’il n’est pas surveillé.

  • Former les équipes RH à l’utilisation éthique de l’IA

Les professionnels du recrutement doivent être formés pour comprendre comment fonctionne l’IA qu’ils utilisent. Cette formation ne nécessite pas de devenir expert en algorithmes, mais de saisir les logiques de base : comment l’outil analyse les données, quelles sont ses limites, comment interpréter ses recommandations.

Cette montée en compétences permet aux recruteurs de garder un esprit critique face aux suggestions de l’IA et de ne pas se laisser influencer par une fausse objectivité technologique. L’humain doit rester le garant de décisions justes et équitables.

Pour les candidats : s'adapter sans perdre son authenticité

Les candidats ne sont pas passifs face à l’IA. Ils peuvent apprendre à optimiser leurs candidatures tout en restant fidèles à leur parcours et leurs compétences.

  • Adapter son CV aux attentes de l’IA

Pour passer les filtres algorithmiques, les candidats ont intérêt à adapter leur CV à chaque offre d’emploi en mettant en avant les compétences et expériences les plus pertinentes pour le poste à pourvoir. L’IA scanne les CV à la recherche de mots-clés présents dans la fiche de poste. Utiliser le même vocabulaire que l’employeur augmente les chances d’être repéré.

Cela ne signifie pas mentir ou gonfler son CV, mais reformuler ses expériences en utilisant les termes du secteur et mettre en valeur les réalisations qui correspondent aux besoins de l’entreprise. Par exemple, si une offre cherche quelqu’un avec « des compétences en gestion de projet agile », mieux vaut utiliser cette expression plutôt que « j’ai coordonné des équipes de façon flexible ».

  • S’entraîner aux entretiens avec l’IA

L’IA peut aussi servir d’outil de préparation. Des chatbots permettent de simuler des entretiens d’embauche, de s’exercer à répondre aux questions les plus fréquentes et de recevoir un retour sur la clarté et la pertinence des réponses. Cette pratique aide à gagner en confiance et à mieux structurer son discours.

Ces outils ne remplacent pas la préparation avec un humain, mais ils offrent un premier niveau d’entraînement accessible et sans jugement.

L'accompagnement humain reste indispensable

Si l’IA transforme les pratiques, elle ne peut pas évaluer les soft skills, la motivation, la capacité d’adaptation ou l’intelligence émotionnelle. C’est là que l’accompagnement humain prend tout son sens.

ASENSILE, en tant qu’organisme de formation, accompagne les entreprises et les ressources humaines dans l’évolution de leur gestion. Optimisation du processus RH, conseils en recrutement, évaluation des candidats : nous proposons un catalogue de solutions adapté à vos besoins, tenant compte des nouveaux enjeux liés à l’intelligence artificielle. Pour les candidats, ASENSILE propose des bilans de compétences qui permettent de valoriser ce que l’IA ne voit pas : les valeurs, le potentiel, les aspirations, les compétences transversales.

L’intelligence artificielle offre des gains de productivité indéniables dans le recrutement. Mais cette révolution ne doit pas faire oublier l’essentiel : le recrutement reste un secteur profondément humain. L’utilisation de l’IA permet un meilleur recrutement à condition qu’elle reste un outil au service des recruteurs, qu’elle libère du temps pour des échanges de qualité, et que les entreprises investissent dans la formation et l’audit de leurs algorithmes.

L’IA peut aider à relever les défis du recrutement — pénurie de talents, volume de candidatures, risques de discrimination — mais seulement si elle est utilisée avec discernement. L’avenir du recrutement ne se situe ni dans l’automatisation totale ni dans le refus de la technologie, mais dans l’équilibre : une IA qui analyse, suggère et facilite, mais un humain qui décide, évalue et donne du sens.

Vous êtes RH et souhaitez accompagner vos équipes dans l’utilisation responsable de l’IA ? Contactez ASENSILE pour découvrir nos formations et construire ensemble un recrutement qui place l’humain au centre.

*Source : https://culture-rh.com/sigma-rh-ia-generative-chiffres-cles-enjeux/ 

** Source : https://www.francetravail.org/accueil/actualites/infographies/2025/intelligence-artificielle-et-recherche-d’emploi.html?type=article