La culture du feedback en entreprise : de la théorie à la pratique

Il y a quelques mois, une ancienne collègue m’a raconté ce qu’elle avait vécu. Elle venait de quitter son poste après deux ans dans une entreprise qu’elle avait pourtant rejoint avec enthousiasme. Le déclencheur ? Un entretien annuel catastrophique où son manager lui avait asséné une liste de reproches qu’elle découvrait pour la première fois. Pendant deux ans, aucun retour sur son travail. Puis d’un coup, un déluge de critiques. Elle m’a dit : « J’aurais pu corriger le tir si on m’avait parlé plus tôt. Mais là, j’ai l’impression d’avoir perdu mon temps. »

Cette histoire n’a rien d’exceptionnel. Dans les entreprises, on parle beaucoup de culture du feedback. On en vante les mérites dans les séminaires, on l’inscrit dans les valeurs affichées, on forme les managers à la technique du DESC ou du sandwich. Mais entre la théorie et la mise en œuvre, il y a un monde. Un fossé, même.

Car donner un bon feedback, ça s’apprend. Le recevoir aussi. Et cela concerne tout le monde : les managers bien sûr, mais aussi chaque collaborateur. Pourtant, dans les faits, les retours restent rares, maladroits, ou pire, inexistants. Résultat ? Des équipes qui tournent à vide et un turnover qui grimpe.

Et si le vrai problème n’était pas de savoir pourquoi il faut mettre en place une culture du feedback, mais comment faire pour qu’elle ne reste pas lettre morte ? Et si, plutôt que d’en rester aux grandes déclarations, on se demandait ce qui constitue une bonne culture du feedback en entreprise, celle qui fonctionne vraiment ?

Parce que oui, c’est possible.

Mais cela demande un cadre, des outils, de la conviction. Et surtout, une vraie volonté de passer de la théorie à la pratique.

Quand le feedback fait défaut : les dégâts d'une communication inexistante

Dans de nombreuses entreprises, le feedback n’est pas considéré comme un levier de réussite. On lui préfère les procédures, les objectifs chiffrés, les réunions de cadrage. La communication ? Elle passe au second plan.

Prenons le scénario catastrophe : une entreprise où il n’y a aucune communication, ni montante ni descendante. Les seuls retours formulés sont négatifs. Les collaborateurs ne se sentent pas libres d’intervenir auprès de leur manager. Personne ne se sent encouragé, ni entendu. Ce tableau peut sembler exagéré, mais il existe, sous différentes formes et à différents degrés.

Les collaborateurs ne veulent pas rester dans un environnement où ils ne peuvent pas progresser. Ils ont besoin de savoir où ils en sont, de comprendre ce qu’on attend d’eux, de voir leurs efforts reconnus. Sans ces repères, ils finissent par partir chercher ailleurs.

Ces problèmes de communication révèlent souvent une difficulté plus profonde : celle du positionnement managérial. Le rôle de manager implique des responsabilités qui vont au-delà de la simple transmission d’objectifs. C’est une posture à adopter, qui demande d’accompagner, d’écouter, de guider. Le management bienveillant, celui qui favorise des environnements de confiance et d’écoute, n’est pas une option parmi d’autres. C’est la base d’une relation de travail saine.

Comment bâtir une culture du feedback efficace

Pour réussir, la culture du feedback a besoin d’un cadre et de conditions claires. Elle se construit avec les collaborateurs et s’ajuste au fil du temps. Voici les piliers sur lesquels vous pouvez vous appuyer.

Créer un climat sûr et positif

La première condition pour que le feedback fonctionne, c’est la sécurité psychologique. Les collaborateurs doivent se sentir libres de s’exprimer sans craindre de représailles ou de jugements. Cela ne signifie pas qu’on ne peut pas faire de feedbacks correctifs. Au contraire, un feedback honnête sur ce qui ne va pas est souvent le plus utile. Mais il doit s’inscrire dans un environnement qui ne laisse pas de place aux non-dits, à la discrimination ou aux règlements de comptes.

Un climat positif, c’est un climat où l’on reconnaît ce qui fonctionne autant que ce qui doit être amélioré. C’est un équilibre à trouver entre encouragement et recadrage, entre célébration des réussites et identification des axes de progression.

Privilégier des temps dédiés au feedback

L’entretien annuel ne suffit plus. Attendre une année entière pour faire un point, c’est prendre le risque de laisser des problèmes s’installer et des incompréhensions se cristalliser. Les points trimestriels en tête-à-tête permettent un suivi plus régulier et une correction de trajectoire plus rapide.

Ces moments dédiés offrent aussi un cadre rassurant pour les collaborateurs. Ils savent qu’ils auront l’occasion d’échanger, de poser leurs questions, de faire remonter leurs préoccupations. Cette régularité crée une habitude, et avec elle, une plus grande liberté de parole.

S'équiper d'outils adaptés

Il existe aujourd’hui des solutions dédiées au feedback qui permettent de gagner du temps, de centraliser les retours et d’avoir une vision globale des équipes. Certaines s’appuient même sur l’intelligence artificielle pour aider à la reformulation des feedbacks, afin qu’ils soient mieux reçus et mieux compris.

Ces outils ne remplacent pas l’humain, mais ils facilitent le suivi et la traçabilité. Ils permettent aussi de dépasser le face-à-face manager-collaborateur en intégrant d’autres sources de retours.

En tant que manager, montrer l'exemple

Parfois, on ne se sent pas encouragé à donner son avis parce qu’on ne se sent pas légitime, ou parce qu’on craint que cela soit mal perçu. Dans un climat orienté vers les échanges et la confiance, les collaborateurs se sentent plus libres de prendre la parole. Mais pour cela, ils ont besoin de voir que leurs managers le font aussi.

Un manager qui demande des retours sur sa propre pratique, qui reconnaît ses erreurs, qui ajuste sa posture en fonction des feedbacks reçus, envoie un message fort : ici, tout le monde peut progresser, y compris moi. Cette exemplarité crée un effet d’entraînement. En montrant la voie, les autres suivent.

Aller vers le feedback 360°

Le feedback 360° est une évaluation complète, souvent annuelle, qui prend en compte de nombreux retours. Pour un manager, cela comprend sa propre auto-évaluation, celle de ses collaborateurs directs, de son N+1, voire de son N+2, et d’autres personnes avec qui il interagit au fil de l’année.

Cette méthode multi-sources demande plus de temps, mais en diversifiant les points de vue, on arrive à un feedback plus objectif et complet. On échappe ainsi aux biais d’une relation unique et on gagne en justesse dans l’analyse.

Informer les collaborateurs et les intégrer à la méthodologie

Si la culture du feedback est nouvelle dans votre organisation, vous rencontrerez des résistances. C’est normal. Le changement fait peur, surtout quand il touche aux relations humaines et à la façon dont on évalue le travail.

Il est donc important que cette culture soit présentée, que ses avantages soient mis en avant, que le processus soit rendu simple, accessible et bénéfique pour tous. Il ne s’agit pas de mettre en place un système de critiques permanentes. L’objectif, c’est d’offrir des retours constructifs qui aident chaque personne à s’améliorer, à gagner confiance en elle, à renforcer la fierté collective, à reconnaître le travail des équipes.

Les retours de chacun contribueront à faire évoluer cette culture au fil du temps. Elle ne se fige pas, elle s’ajuste en fonction des besoins et des retours d’expérience.

Une culture encore fragile, mais en progression

La culture du feedback progresse dans les entreprises françaises, mais elle n’est pas encore suffisamment installée. Les pratiques varient énormément d’une organisation à l’autre, et il existe un véritable écart entre la volonté affichée et la réalité vécue par les collaborateurs.

Les chiffres (à l’échelle européenne) du rapport HR Monitor 2025 sont éclairants : 26 % des employés déclarent n’avoir reçu aucun feedback officiel en 2024. Côté RH, ce chiffre atteint 6 %. Cet écart révèle une perception différente de ce qui se passe réellement sur le terrain. Ce que les départements RH considèrent comme du feedback ne parvient manifestement pas toujours aux collaborateurs, ou n’est pas perçu comme tel.

La culture du feedback ne peut prospérer que si elle est adoptée par toutes et tous, à tous les niveaux de l’entreprise, et qu’elle s’intègre aux valeurs de l’organisation. C’est une méthode qui valorise la transparence et la confiance. C’est un levier d’engagement et de fidélisation des collaborateurs, d’autant plus important pour séduire les jeunes générations sur le marché du travail.

Le management vertical, celui où les décisions descendent sans remonter, est toujours présent. Mais il tend à laisser sa place à plus d’horizontalité, où la hiérarchie s’efface pour favoriser la performance collective. Cette évolution demande aux managers d’acquérir de nouvelles compétences car ces pratiques ne sont pas innées. Ils doivent bénéficier d’un encadrement spécifique, de formations, d’un accompagnement dans la durée.

Construire une culture du feedback qui tient ses promesses

La culture du feedback n’est pas qu’un sujet RH. Elle touche à la façon dont on travaille ensemble, dont on se parle, dont on construit une vision commune. Elle repose sur un équilibre entre cadre et spontanéité, entre formalisme et authenticité.

Pour qu’elle fonctionne, elle a besoin d’un climat de confiance, d’outils adaptés, de temps dédiés, et surtout, d’une conviction partagée : celle que chacun peut progresser, que les retours sont des leviers de croissance et non des sanctions.

Les entreprises qui réussissent à installer cette culture constatent des effets concrets : moins de turnover, plus d’engagement, une meilleure ambiance, des équipes plus performantes. Mais cela demande un investissement, une formation, un ajustement constant.

Si votre organisation souhaite développer une véritable culture du feedback, il ne suffit pas de l’inscrire dans un document RH. Il faut former les managers, accompagner les équipes, créer les conditions de la confiance. ASENSILE propose des formations sur mesure pour aider vos collaborateurs à maîtriser l’art du feedback, à donner comme à recevoir des retours constructifs. Parce qu’une culture du feedback réussie, ça se construit, ensemble !